En rede de Brest, ce jour-là.

10 – Ce jour-là, en Rade de Brest

Si vous ne la connaissez pas,

.

La rade, en quelques chiffres,

180 km2 de superficie

15 kms de long

Entre 2 et 4 kms de large

8 m de profondeur en moyenne.

.

Nous sommes en été 1968,

Deux adolescents partent faire de la voile.

L’un a 14 ans, l’autre 12.

.

L’ainé, totalement aguerri à la voile

Plus particulièrement dans cet espace

Après plusieurs années de cours,

La mer est son élément,

Il en fera d’ailleurs son métier,

Toute sa vie.

.

Pour le plus jeune,

Le cadet d’une même fratrie,

Il n’en est pas vraiment de même.

Il se pourrait même

Que ce soit sa 1ère sortie en mer sur un voilier.

.

Aujourd’hui encore,

Nous ne savons toujours pas

Pourquoi ils sont partis ainsi tous les deux,

.

A part le nom de famille,

Rien ne les rapproche,

ni ne les rapprochera,

Bien au contraire,

Aucune confiance,

Aucune complicité,

Voir même…

Mais là, c’est une autre histoire

Et une bien plus longue histoire.

.

Mais

Ce jour-là,

Ils sont là,

Tous les deux,

Sur le voilier de l’ainé.

.

Ils arrivent, sous un bon vent,

Au milieu de la rade.

Et là,

L’ainé y fait renverser le bateau.

.

Ils se retrouvent tous les deux à l’eau,

A près d’1 km de la côte la plus proche.

.

L’ainé crie au cadet,

Avec cet éternel « sourire » :

« Maintenant, tu redresses le bateau,

Tu y remontes seul

Et tu t’occupes du retour »

.

Panique, cris et pleurs

Sont vraiment les seules réponses possibles

Pour le plus jeune,

Totalement perdu et paniqué au milieu de la rade.

.

Pas vraiment un nageur hors pair,

Pas vraiment un grand costaud,

Heureusement un gilet lui permet de rester à flots.

.

L’ainé finira par redresser le bateau,

Et remonter un second totalement effrayé.

.

Je ne ferai plus jamais de voile de ma vie.

.

Je n’ai jamais eu aussi peur.

Je revois ce sourire satisfait

De cet ainé, que je ne peux appeler autrement.

.

Nous vivions à 500 m de l’eau.

.

Les parents n’en sauront rien,

Ils auraient tourné cela

Comme une mauvaise blague de l’ainé

À laquelle j’aurais mal réagi,

Comme d’habitude.

Vendredi 28 avril 2023.

.

Un ami, Phil,

Ami et mari d’une amie de longue date.

.

Ancien de la Royale,

Comme on dit chez nous,

Puis skipper professionnel,

Pour notamment convoyer les bateaux des autres.

Bref, un pro de la mer.

.

Il retape son nouveau bateau depuis…

On dira quelques années.

.

Il est prêt.

A fait une 1ère sortie

Pour vérification technique avec un complice marin.

.

Il est prévu que nous fassions une sortie en mer,

Avec lui,

Pendant nos vacances.

.

Finalement,

Compte tenu du temps,

Nous ferons une virée en rade de Brest.

.

Etrange mélange chez le JY d’aujourd’hui,

Qui a bien grandi et « travaillé »

Sur cette « relation » à l’ainé des enfants de mes parents.

.

Entre une certaine crainte,

Et une terrible envie de me montrer,

Que j’en suis capable,

Aujourd’hui.

.

On est d’accord.

.

Ce n’est pas le même bateau,

Celui-ci fait 11 m,

Il n’est pas prêt de chavirer,

Surtout pas en rade de Brest

Et encore moins ce jour-là.

.

Ce n’est pas le même capitaine,

Ni le même équipage,

Entre Phil et mon mari,

Qui connaissent mon « histoire »,

Ce n’est que bienveillance et attentions,

Avec une terrible envie partagée

Que tout se passe bien pour nous 3.

.

9 h, nous partons de Portsall.

Nous y voilà,

Je les laisse avec toute cette partie technique qui m’échappe totalement.

Phil a un second parfait,

Même si c’est sa 1ère sortie en mer en voilier,

Il est bien plus à son aise que moi.

.

Pour ma part je gère ma sérénité,

Et j’y parviens,

En faisant quelques photos, bien sûr.

Je vous présente « Citron Vert ».

On quitte le quai.

.

J’essaye surtout de trouver une place

Où je ne dérange personne pour quelque manœuvre que ce soit.

.

J’essaye de comprendre les différents indicateurs sur les tableaux de bord :

Vitesse, sens du vent, profondeur, déduire la hauteur sous l’eau du bateau, (le tirant d’eau ?)

.

On sort du port, au moteur.

.

Phil veut hisser la grand’ voile.

.

Vincent l’aide.

Je reste tranquillement à l’arrière, incapable encore de marcher sur les côtés du voilier.

Phil déroule le génois.

Ah vous ne savez pas ce que c’est ?

Moi, je sais,

Maintenant.

il faut bien que je le montre un peu.

LOL

.

C’est la voile bleue sur le dessin.

Vincent prend la barre.

.

Apparemment il aime ça.

Tout se passe bien,

Je savoure juste d’être là.

Je regarde partout.

« Jean-Yves, tu peux prendre la barre ?

Tu gardes le cap sur cette bouée,

On va virer après. »

.

Nous sommes à peu près à l’endroit où…

55 ans plus tôt…

.

j’ai une pensée pour ce petit garçon de 12 ans,

« Tu vois, tu en es capable ».

.

Personne ne me regarde,

Ils sont à la manœuvre,

Mais sous ma casquette,

Derrière mes lunettes de soleil,

Comme me dirait une amie

« Respire, accueille l’expérience »

.

Oh que oui,

Et en pleine conscience,

Je les ai laissées ces larmes de joie et de fierté m’envahir.

Encore aujourd’hui,

En l’écrivant…

Eh oui, je suis comme çà.

.

Vous qui me lisez,

Si vous êtes des « voileux » aguerris,

Vous vous dites

« Rien d’extraordinaire ».

Non, surement, pour vous,

Mais pour moi, si.

Je suis en train de surpasser une peur vieille de 55 ans,

Bien ancrée en moi.

De plus, à ce moment-là, le vent se lève un petit peu,

Et je pulvérise le record de la journée… LOL

.

C’était un jour plutôt sans vent.

Donc le 4,2 qui s’affiche nous fait bien plaisir,

Et à moi donc, debout à la barre.

.

On vire de bord.

Réussi.

.

Ah, que se passe-t’il ?

Je sens qu’il y a quelque chose qui ne tourne pas rond.

.

Très pédagogue, Phil me rassure,

Prend la barre,

Change de côté au génois,

Et finit par rectifier le tir,

Et m’explique :

« Tu viens de réaliser un parfait manque à virer ».

.

Donc,

Si ce jour-là,

Vous étiez sur une des cotes,

Si vous avez souri ou ri en voyant ce ratage,

C’est moi le responsable,

Pas le capitaine, OK ?

.

Je repars, à la barre.

.

Le vent tombe.

Et après avoir réussi le record de vitesse du jour,

Réalisé un parfait manque à virer,

J’arrive à la vitesse 0…

.

Phil reprend la barre pour tenter d’avancer un peu avec ses voiles.

.

Avant de rabattre les voiles et de rentrer au moteur,

Je me risque à aller à l’avant du bateau,

A minima pour la photo.

Et nous rentrons,

Avec une réelle envie de repartir bientôt,

C’est sûr.

Pour l’accostage,

Je laisserai le capitaine et son parfait second y travailler,

Trop peur de faire une mauvaise manip

Pour son bateau et les voisins.

.

Une bière sur le port célèbrera cette belle journée,

Pour le capitaine, sa 1ère vraie sortie avec son voilier,

Pour Vincent, sa 1ère sortie en mer sur un voilier,

Pour moi, cette peur vaincue.

.

Rendez-vous est pris pour la prochaine.

Objectifs :

se renseigner sur les manoeuvres pour bien virer, pour ne faire aucun manque à virer

Faire quelques manœuvres sur les côtés du violier en mer.

.

Ne rigolez pas,

Je sais que le Vendée Globe n’est pas pour demain,

Mais mon Vendée Globe à moi,

C’est-à-dire un « Brest – Camaret », c’est sur.

.

A suivre.

.

Merci Phil.

Merci mon cœur.

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2 commentaires

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  1. Lyonnet Joëlle
    mai 6, 2023
    • Jean-Yves Piton
      mai 6, 2023

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